LIENS AQUATIQUES

Exposition « Liens aquatiques »
Du 23 septembre au 13 octobre 2022
Chapelle du Collège – Carpentras

 

Texte de Laure Becdelièvre – Septembre 2022

Il fallait bien une artiste de l’eau pour ouvrir cette édition 2022 du Momiji Koyo, le festival d’automne japonais organisé à Carpentras par l’association Vents d’Asie, et consacré cette année au « règne aquatique », après le « règne végétal ».

De l’eau, Ysabel de Maisonneuve est imprégnée dans tous les plis de son travail.

Elle est son milieu quotidien, avec la teinture textile dont l’artiste a fait son métier et qui la plonge de bains en bains de couleurs.

Elle est son élément d’adoption, depuis ce jour où Ysabel est arrivée au Japon pour apprendre le Shibori et est devenue îlienne, rompue aux pluies incessantes teintant les toits de reflets d’argent.

Elle est son horizon mouvant, tout l’été où Ysabel crée au bord de l’océan, dans son havre vendéen bercé par le va-et-vient des vagues et ouvert sur l’infiniment grand.

Quels lieux plus inspirants que deux villes assises au bord d’une rivière, pour exposer ses dernières œuvres au pied du Mont Ventoux, ce Fuji provençal ?

À Carpentras, traversée par l’Auzon, c’est une rivière grandeur nature ou presque, qu’Ysabel de Maisonneuve reproduit au sein des beaux volumes de la Chapelle du Collège.

Créée pour le Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine et révélée en avant-première lors du Momiji Koyo, cette tenture de soie de 15 mètres de long résume à elle seule le patient travail de l’artiste pour faire se rencontrer la couleur, la matière et la lumière grâce à la technique japonaise traditionnelle du Shibori, qui permet de créer des motifs en réservant le tissu par ligatures.

Au fil de l’eau que le public est invité à suivre dans une rêveuse déambulation, vibre un hommage vivant à tous les hommes et les femmes qui, à travers le monde et les siècles, dans le grand bain de la mémoire commune, ont tenté comme Ysabel d’imprimer dans le tissu un instant d’éternité.

Dans les alcôves de la Chapelle, miroitent, comme autant de reflets à cette quête intuitive du geste ancestral, des pièces offertes à l’eau qui y a imprimé sa trace.

Des voiles de gaze de soie ajourée et imperceptiblement teintée, flottant dans l’air comme des gouttes de rosée. Des tentures gagnées par la montée des eaux. Des vitraux de tissu où la lumière semble jouer à travers des feuillages après la pluie…

Une forêt de kakémonos aussi, réalisés par de tout jeunes Carpentrassiens au Centre social et citoyen Lou Tricadou, sous les bons auspices d’Ysabel – parce que le chemin de l’eau est aussi celui de la transmission. Chaque pièce se veut la trace du secret confié par un enfant à un galet ramassé sur les bords de l’Auzon, puis soigneusement renfermé dans un tissu et coloré de bleus provençaux.

Une installation vidéo et photo vient clore cette promenade aquatique dans la Chapelle du Collège, afin de permettre au public de mieux appréhender la technique du Shibori et le travail de création d’Ysabel de Maisonneuve.